Les phénomènes naturels, notre rapport à l’environnemenet les récits fantastiques constituent le champ d’exploration de Louise Filippi.
Mène actuellement un projet de film autour des glaciers : les neiges ne sont plus éternelles. Conservés par le froid, des corps enfouis remontent à la surface d’un glacier qui se meurt. Le tournage devient une fouille dans le temps, accompagnant les mains qui creusent. On voit des visages préoccupés par les paysages désertés, l’absence d’insectes, les oiseaux silencieux. Bientôt, le glacier ne sera plus qu’un lac, et son reflet une terre plane.
« La montagne est un territoire qui me trouble depuis mon enfance, du côté des Écrins dans les Hautes-Alpes. Ses recoins, versants et forêts ont creusé en moi un profond sentiment d’appartenance, son espace un habitat. Je me rends compte des transformations du paysage, je remarque année après année les absences, le familier qui s’égare, les repères effacés. Ce sont des lieux chargés de souvenirs, de sensations, d’une étrangeté. Je crois que ce film puise dans ce mouvement là, accompagner une montagne, un glacier, dans un moment de bouleversement, et conserver par les images ce qui tend à disparaître.
La solastalgie, que je ressens personnellement et avec d’autres, désigne cette détresse face à un évènement écologique dramatique, un sentiment de perte et qui ravive notre mémoire affective. Cela me pousse à faire ce film, à chercher des regards, des manières d’être quand la montagne s’écroule. Qui pleure quand le glacier fond ? Je vois des visages préoccupés par les vagues de chaleur toujours plus fortes, les hivers secs, le manque d’eau et d’insectes. Le film accompagne la mort lente d’un glacier, je reste à son chevet sur plusieurs saisons. C’est la mémoire d’un territoire qui s’efface, un paysage en voie d’extinction. Un sentiment de perte, une inquiétude grandissante. Mois après mois, sur deux années, je souhaite observer ses changements de forme, son cycle que perturbent aujourd’hui les canicules et un climat instable. De l’effacement progressif, au ruissellement qui devient torrent, ou encore l’éboulement soudain, ces phénomènes créent une tension et dessinent les traits du glacier. Je chercherai ces dérèglements dans le paysage comme des évènements dramaturgiques pour raconter le récit d’une mort. »