Avec la disparition inéluctable des glaciers alpins, il est tout aussi important d’envisager les Alpes sans glaces du point de vue écologique que de celui des représentations. Sous l’impulsion de l’artiste plasticien Olivier de Sépibus, le Collectif Glacier est un laboratoire regroupant des personnes d’horizons différents afin d’envisager des imaginaires, d’incarner des affects, anticiper des pratiques des montagnes alpines sans glaciers.
Dans le terme collectif, il ne faut pas entendre uniquement un groupe constitué d’humains, mais que les glaciers en fasse aussi partie. Incorporer une telle entité naturelle parmi les humains revient à abolir la frontière nature/culture où la nature cesse d’être un objet, mais devient un « sujet ».
Dès lors, nous changeons de paradigme : l’humain n’est plus au centre d’un environnement, mais un sujet (certes particulier), partageant la biosphère, le vivant avec d’autres entités naturelles agissant elles-mêmes. L’humain doit ainsi apprendre à régler sa vie, ses activités, ses désirs et imaginaires en fonction d’autres entités naturelles avec qui nous partageons un destin commun.
Que signifierait alors de les intégrer comme des sujets ? Il s’agit d’affirmer leur droit d’exister, d’être là sans aucune nécessité. Mais aussi que nous avons des relations sociales avec les entités naturelles en général, et avec les glaciers en particuliers. Ceci ne concurrence pas la diversité, complexité des relations humaines, tout au contraire : il s’agit d’élargir le champ social aux entités naturelles. C’est reconnaître que nos relations avec les entités naturelles ne sont pas celles que nous avons avec des objets. Mais bel et bien à des sujets, ceci augmente notre palette sensible, complexifie nos relations.
La disparition inéluctables des glaciers entraine de affects particuliers proches du deuil. La tristesse et le désenchantement gagne les esprits et le cœurs des personnes vivants à leur proximité. Les professionnels sont déroutés et préfèrent nier les problèmes plutôt que de remettre en cause leurs métiers.
Le livre d’Olivier Remaud « Penser comme un iceberg« montre et démontre bien les relations riches et pluri-sensibles que l’on entretient avec les grandes masses de glaces que ce soit la banquise, les glaciers ou les iceberg.
Il est de la responsabilité des artistes de prendre en charge cette relation à la mort des glaciers en inventant paroles, récits, images, danses afin de symboliser leur disparition. Il s’agit d’imaginer des rites, incarner des affects qui expriment la tristesse et le désarroi pour réaliser un travail de deuil commun. Ceci afin d’accueillir l’autre désert qui monte, celui de pierre qui recouvrira bientôt l’immense majorité des hautes altitudes alpines.
Quoiqu’il en soit, c’est ce paysage de désert de pierre, même indésiré, que nous allons léguer à nos enfants.